Contre, tout contre

La réalité que nous vivons n’est ni ennuyeuse, ni écœurante. Ceci étant dit, ne nous leurrons pas : si nous pouvions changer de réalité nous le ferions. De fait, la réalité que nous vivons ne nous convient pas, elle ne nous convient jamais. Nous agissons envers elle comme le ferait un dandy insatisfait qui ne supporte pas les pantalons mal taillés et les chaussures trop étroites, pire de « mauvais goût ». Bref pour le dire sèchement, ça ne va jamais !

De la réalité…

Malheureusement ou par chance, la réalité n’est pas faite pour nous plaire. Elle est faite pour nous recevoir, tout recevoir ; le réel reçoit indifféremment tous les mondes et tous les événements, les plus contradictoires comme les plus monstrueux. Ils sont ainsi accueillis et recueillis par le réel qui demeure impassible et les autorise à se manifester plus ou moins longtemps.Pourquoi parler de la réalité ? Depuis plusieurs semaines, j’entends des journalistes et des commentateurs de la vie politique française se plaindre de la piètre qualité de la campagne électorale pour l’Élection présidentielle de 2017. Ces commentateurs n’ont pas, pour autant, de regrets et de nostalgie pour les campagnes précédentes qui n’ont pas eu des candidats particulièrement intelligents ou brillants.

Quelle que soit la campagne, avons-nous eu des candidats qui ouvraient sur des perspectives inédites, qui dépassaient les attentes placées au niveau de l’auge des électeurs ? La réponse est négative. Il ne faut, en aucun cas, passer son temps à se lamenter de la piètre qualité des débats et des candidats car nous serions bien en peine de dire ce peut être une  » bonne » campagne électorale. En ce qui me concerne, le réel me convient, même s’il me déçoit. Surtout lorsqu’il me déçoit. Au lieu de se contenter de m’apporter ce que je souhaite, le réel révèle par  l’inattendu et la surprise, la face vérolée et honteuse de la notabilité et de la bienséance. Il est parfaitement légitime d’être mécontent par l’absence de « débats sérieux ou profonds » lors des rencontres entre les candidats ou lorsque ceux-ci sont invités à présenter leurs programmes, qu’ils se promettent d’appliquer dans la gestion des affaires de l’État. Mais je ne comprends pas en quoi cette campagne est ennuyeuse ou décevante ; ce à quoi nous assistons, c’est à l’irruption du réel dans la campagne, et par réel, j’entends ceux des individus qui se prétendent dignes de recevoir la charge de mener les affaires de l’État. Par un jeu de révélations et de rebondissements, nous assistons à l’impossible contrôle du réel. Dés lors, cette campagne n’est plus celle qui était préméditée : technique, aseptisée, et au fond, vide de tout intérêt. En effet, ce que nous apprenons n’est pas anecdotique ; certains spécialistes, des journalistes ou des candidats, ne considèrent pas cela comme faisant de bons éléments pour une élection présidentielle, alors que, selon moi, ces éléments d’informations, concernant des candidats, n’ont rien d’anecdotiques et qu’ils sont tout aussi dignes d’intérêt que les propos pontifiants sur l’économie que tiennent les candidats, dont ils ne sont pas les auteurs et qu’ils se contentent d’ânonner, comme un étudiant en philosophie, à partir de fiches préparées par une équipe de collaborateurs, qu’ils ont rédigées à partir de synthèses dont ils ne sont pas les auteurs etc.

Je suis heureux d’apprendre que François Fillonnnnnn ( je l’écris ainsi ça fait plus riche, ça va de soi ), alors qu’il portait le masque de monsieur de la Rigueur, était et demeure un sybarite de la Sarthe. J’aime voir la dégringolade pitoyable de cet hybride entre le Père Fouettard et l’éminence grise qui s’est complu à nous offrir le simulacre de l’homme simple, économe, rigoureux et surtout honnête alors qu’il est avant tout un homme faible moralement et dévoré par l’amour de l’argent et le luxe le plus kitsch. Monsieur Fillon nous promettait, en guise de programme économique pour la France, une purge et une saignée si violente qu’elle devait tuer le malade, en l’occasion les salariés, devenu esclave d’une république patricienne au service du patronat. Grâce à toutes ces révélations, nous le découvrons incapable de vivre avec économie et parcimonie. Bien au contraire, il semble avant tout un individu vénal, avide d’argent et de « beaux objets » comme peut l’être un gigolo. Grâce à toutes ces informations, il est légitime de s’interroger si cet individu a la moindre force morale, la moindre vertu pour résister à la tentation de présents, qui l’obligeraient d’abandonner une parole donnée. On voit le danger pour la France d’avoir un individu si corruptible nommé comme chef de l’État. Le simple fait qu’il se soit renié en ne démissionnant pas après l’annonce de sa mise en examen, alors qu’il avait affirmé qu’il se tenait prêt à le faire, fait de lui un homme indigne qui a perdu tout crédit dans sa parole donnée. Monsieur Fillon peut porter autant de costumes luxueux et élégants, autant de vêtements de gentleman farmer, il ne sera jamais un gentleman, ni encore moins un gentilhomme. Il peut afficher les signes et les habits de l’honnêteté, il ne sera jamais un honnête homme. Mais revenons à mon propos. En quoi cela peut-il me réjouir de savoir tant de mensonges, de dissimulations et de cupidité honteuse chez un seul individu ? Tout simplement parce que cela m’évite de me casser la tête à lire son programme ou à l’écouter, voilà tout. La messe est dite.

Ce qui a été dit ici pour monsieur Fillon, peut s’appliquer aussi à monsieur de Rugy, du moins en ce qui concerne la valeur de sa parole donnée. Ce dernier s’était engagé à soutenir le vainqueur de la primaire de gauche comme candidat légitime à l’élection présidentielle, pour se déclarer, avec un courage égal à sa fidélité envers sa parole donnée de soutenir et de « suivre » ( le pauvre, il ne peut faire que cela ), pour Emmanuel Macron. Si monsieur Macron dévisse dans les sondages pour connaître les intentions de vote, il y a de grandes chances que monsieur de Rugy revienne à son sport favori, celui de girouetter. Je pourrais enchaîner les faits et les propos qui prouvent que, peu de ceux qui se targuent d’être dignes de subir la charge des responsabilités de l’état, méritent un crédit d’une valeur morale. En faisant advenir les événements, en autorisant ces faiblesses, le réel nous épargne d’user de notre temps précieux pour entendre les paroles de ces individus. Il est plus que temps de souligner le prix de ce réel, qui flagelle la superbe de ces hommes, et nous libère de leurs pensées amphigouriques sans connaître le moindre labeur. Il suffit de bien écouter, et surtout de bien retenir. La mémoire est la meilleure des armes du citoyen dans une république convoitée.

 

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